Christophe Vilain : « J’ai besoin d’avoir l’avis de ceux qui ne s’expriment jamais »
Président de la Fédération des Vins de Nantes depuis un an, Christophe Vilain a connu une première année de mandat mouvementée. Entre les aléas climatiques et ses conséquences sur la récolte, le projet de réforme du cahier des charges du Muscadet et celui des bulles nantaises, le vigneron du Loroux-Bottereau revient sur les faits marquants de 2024 et dresse les perspectives pour 2025 et les années à venir.
Quel bilan faites-vous de votre première année de mandat ?
Ce fut une année riche en rencontres avec les vignerons, les représentants des institutions politiques et les élus locaux. Le mandat de président demande du temps et de l’engagement mais je m’y étais préparé. Je me réjouis par ailleurs d’avoir inauguré le Château de la Frémoire, la maison des Vignerons. Nous avons un bel outil de travail qui accueille et va continuer d’accueillir les entreprises de la région pour des séminaires mais aussi le grand public pour des ateliers œnologiques et durant la saison estivale. En revanche, ce fut une année difficile du fait du millésime. J’aurais pu espérer une meilleure récolte.
Quelles sont les conséquences de cette petite récolte ?
La qualité est au rendez-vous, les vignerons ont su vinifier un millésime compliqué. On sait que le melon B est un cépage fragile mais le phénomène de filage connu cette année n’a jamais été aussi fort. Le rendement moyen s’établit autour de 23 hl/ha en Muscadet et nous notons également une baisse des surfaces revendiquées. L’une des conséquences de ce millésime compliqué, c’est la création d’un groupe de vignerons, sous l’impulsion de Vincent Barbier de Vertou, pour travailler sur l’avenir du melon mais aussi les VIFA (Variétés d’intérêt à fin d’adaptation, ndlr). On a besoin de cépages complémentaires pour sécuriser les rendements, même si leur proportion sera minime.
Une autre conséquence est le nombre de demandes d’arrachage dans le cadre du plan de réduction du potentiel de production français…
Au total près de 580 ha ont été demandés dans notre vignoble par 110 exploitations dont 11 pour arrêt définitif. On aurait pu s’attendre à davantage de demandes, peut-être que certains ont laissé passer la possibilité. Je ne connais pas en revanche les surfaces par cépage.
Où en est le projet de réforme du cahier des charges ?
On continue d’avancer. La commission d’enquête est attendue dans notre vignoble courant janvier. Le projet prévoit un abaissement de la densité de plantation à 5 000 pieds / hectare pour toutes les appellations Muscadet, hormis celles des crus communaux. Concernant la mention sur lie, le souhait est d’opter pour la mention d’élevage sur 6, 9, 12 ou 24 mois. Enfin nous allons profiter de la visite des experts pour ajouter la folle blanche en cépage accessoire du Muscadet, comme l’est déjà le chardonnay.
Comment se dessine l’avenir du vignoble d’ici 5 à 10 ans ?
C’est un sujet que nous avons évoqué il y a quelques semaines en conseil stratégique. Deux scénarios sont envisagés. Le premier prévoit un maintien des surfaces, le second une réduction drastique. Ils ont été présentés aux délégués des sections lors de l’assemblée générale de début janvier. Je pense que nous aurons un mélange des deux. A nous de travailler sur la stratégie à adopter pour le Muscadet avec le Syndicat des Vignerons Indépendants et la chambre d’agriculture. Est-ce qu’on décide de réduire fortement les surfaces ou est-ce que l’on essaye de les maintenir au maximum pour préserver l’identité du Muscadet ? Il faudra de toute façon que cette réduction des surfaces s’accompagne d’une meilleure valorisation de nos vins. Il faut que nos produits soient revalorisés, d’autant plus les années difficiles comme celles que l’on a vécues. Nous pouvons, nous devons augmenter les prix, notamment pour continuer à promouvoir nos vins. A ce sujet, les délégués ont décidé, lors de cette assemblée générale, de maintenir un budget pour les actions de communication. Nous avons un vin qui plait aux consommateurs et nous devons continuer à le faire connaître, à valoriser nos appellations.
Qu’en est-il du projet d’université de la valeur ?
Le projet avance avec la chambre d’agriculture et les vignerons indépendants. L’objectif est de proposer à tous les vignerons du Nantais un programme de formations orientées vers la valeur et adaptées à chaque situation. Nous avons tous besoin de monter en compétences pour optimiser notre production et notre commerce. La première étape consisterait à partager un travail sur nos coûts de revient et sur le juste prix rémunérateur de chaque segment de nos AOC.
Où en est le dossier des bulles nantaises ?
Nous avons rencontré l’AOC Crémant de Loire mais nous ne croyons plus à la possibilité de l’intégrer car il n’y a pas d’ouverture de leur côté. En revanche nous continuons de travailler sur une IGP Loire qui inclurait les vins produits en méthode traditionnelle. Il ne faut écarter aucun projet dans la diversification de l’offre.
Quelles sont vos souhaits, perspectives pour l’année 2025 ?
Mon souhait est d’avoir une belle récolte. Que le projet de cahier des charges aboutisse et que le dossier des crus Vallet, La Haye-Fouassière et Champtoceaux avance ainsi que celui des bulles. Nous allons par ailleurs profiter de ce début d’année pour aller à la rencontre des vignerons dans leurs cantons. Nous avons besoin de nous retrouver, en petits comités, afin de recueillir les ressentis, les impressions et les idées de chacun. J’ai besoin d’avoir l’avis de ceux qui ne s’expriment jamais. Je souhaite en tout cas à toutes les vigneronnes et tous les vignerons, une bonne et heureuse année 2025.