Crus du Muscadet : démarches à tous les étages
La dynamique des crus communaux se poursuit en Muscadet. Le vignoble compte aujourd’hui sept Dénominations Géographiques Complémentaires et trois autres démarches sont en cours de reconnaissance. Les collectifs de vignerons engagés dans ces projets ne comptent pas s’arrêter là. De nouvelles étapes sont en cours avec la même ambition : valoriser les terroirs du vignoble de Nantes.
Ne parlez pas du Muscadet mais des Muscadets. Depuis plusieurs années, le vignoble nantais est pluriel et les crus communaux, appelés aussi Dénominations Géographiques Complémentaires (DGC), en sont l’illustration. Clisson, Gorges et Le Pallet ont été les premiers à être reconnus en 2011, suivis en 2019 par Goulaine, Château-Thébaud, Monnières Saint-Fiacre et Mouzillon-Tillières. Ces 7 crus sont produits par près de 80 domaines sur environ 150 hectares de vignes, pour un volume annuel de 5 200 hl. Chaque vigneron respecte un cahier des charges strict, imposant notamment un rendement maximum de 45 hl/ha ou encore un élevage prolongé sur lies fines de 18 à 24 mois minimum. Des conditions de production qui donnent naissance à des vins haut-de-gamme dont les ventes ne cessent de progresser à mesure que leur notoriété augmente. En cinq ans, les ventes ont été multipliés par 2. En 2023, 2 190 hl de crus du Muscadet ont été vendus dont 430 hl à l’export*. L’international est en effet un marché en pleine expansion pour les « pépites du Muscadet » avec des volumes également multipliés par 2 depuis 2019. En France et l’export, les marges de progression sont conséquentes avec trois autres démarches dans l’antichambres des crus : Valllet, La Haie-Fouassière et Champtoceaux.
Délimitation en cours pour Valllet, La Haie-Fouassière et Champtoceaux
Dans le vignoble de Nantes, il est coutume de parler de « locomotives » quand on évoque les crus du Muscadet. Clisson, Gorges et Le Pallet font partie du 1er wagon, Goulaine, Château-Thébaud, Monnières Saint-Fiacre et Mouzillon-Tillières du 2e et Champtoceaux, Vallet et La Haie-Fouassière du 3e wagon. Pour ces trois derniers, « le comité national de l’INAO a validé l’existence de liens au terroir et approuvé les principes généraux sur lesquels reposent ces futures DGC », précise Jean-Baptiste Moulenes, ingénieur territorial à l’INAO. Des experts se sont rendus dans le vignoble, ont rencontré les vignerons engagés dans les démarches et ont récemment rendu leur rapport en vue de la délimitation de l’aire géographique. Rapport qui doit maintenant être validé par la commission d’enquête. « Il n’y a pas de remarques particulières pour La Haie-Fouassière. En revanche il y a des inquiétudes pour Vallet et Champtoceaux avec des parcelles qui pourraient sortir de l’aire », indique Romain Mayet, ingénieur à la Fédération des Vins de Nantes. « Pour Champtoceaux notamment, la commission d’enquête a demandé aux experts de recentrer l’aire car une communale ne peut, par définition, se superposer à une appellation régionale. L’aire pourrait donc être centrée sur le cœur des coteaux primaires de la Loire, excluant certaines communes. Mais nous devons encore attendre de connaître les avant-projets avant de nous prononcer. » En cas d’exclusion, les vignerons concernés pourront toujours faire entendre leur voix. « Ils pourront se défendre et je serai en soutien », indique Stéphane David, président du comité de pilotage des crus. « A eux de prouver qu’ils sont solidaires pour agrandir les lignes. Il ne faut pas baisser les bras. Ce n’est pas parce qu’une orientation a été donnée qu’elle doit être confirmée. » Une mise à l’enquête publique des projets d’aires devrait avoir lieu début 2025. Les associations de crus et les vignerons pourront alors s’exprimer.
Délimitation parcellaire d’un côté, demande de reconnaissance en AOC de l’autre
Une nouvelle étape attend les quatre crus reconnus en 2019. Depuis 5 ans, Château-Thébaud, Goulaine, Monnières Saint-Fiacre et Mouzillon-Tillières sont dans une démarche d’identification parcellaire qui consiste à expertiser chaque parcelle en fonction des demandes des vignerons. Un bilan sera fait prochainement en vue du lancement d’une procédure de délimitation parcellaire. Celle-ci pourrait durer deux ans.
Du côté de Clisson, Gorges et Le Pallet, c’est une tout autre étape qui est visée. Leur souhait est d’aboutir à une reconnaissance en AOC indépendante. « C’est la continuité logique de la démarche », souligne Stéphane David. Pour le président du comité de pilotage des crus, les consommateurs ont déjà franchi le pas en privilégiant la dénomination communale à celle de l’AOC sous-régionale. « Ils nous achètent du Clisson ou du Gorges, pas du Muscadet Sèvre et Maine Clisson ou du Muscadet Sèvre et Maine Gorges. Ils savent que les crus sont dans l’appellation Muscadet sous-régionale, même s’il reste encore un peu de communication à faire pour bien identifier la hiérarchie. Ce sera peut-être plus simple quand toutes les dénominations de village auront été reconnues. » Une demande de reconnaissance doit désormais être déposée officiellement. Elle sera examinée par la même commission d’enquête de l’INAO qui suit la procédure d’évolution des cahiers des charges des Vins de Nantes.
La famille des crus n’a par ailleurs pas fini de s’agrandir car en plus des 10 démarches actuelles, une 11e est en réflexion. Sur le terroir des Côtes de Grandlieu, un groupe de quelques vignerons travaille depuis plusieurs années à la création d’une démarche de cru Saint-Philbert, au Nord et au Sud du lac de Grandlieu. L’antériorité des millésimes est encore modeste, tout comme la taille du collectif, mais ce dernier développe doucement sa notoriété. Le 14 octobre dernier, le Muscadet Côtes de Grandlieu Saint-Philbert était présent aux Confidentielles de Loire à Paris, avec l’ensemble des associations de crus du Muscadet. Le reflet même de la pluralité des terroirs et de la richesse des Muscadets.
* Source : Interloire (données issues des DRM)