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Le Muscadet face aux tendances de consommation

Crédit : Emeline Boileau.

Après deux années d’une crise sanitaire qui joue les prolongations, la commercialisation des Vins de Nantes affiche une bonne dynamique. Dans les cafés et restaurants, en grande distribution ou chez les cavistes mais également à l’export, les appellations nantaises, à commencer par le Muscadet, progressent. Des résultats à mettre en parallèle avec les nouvelles tendances de consommation de vin.

Le vin n’est plus la boisson alcoolisée la plus consommée en France en 2022. Est-ce la conséquence du Covid-19 et de ses confinements, de l’explosion de la filière brassicole ou des deux ? Toujours est-il que la bière est désormais la boisson la plus consommée par les Français devant les vins tranquilles et le Champagne selon les résultats du baromètre Sowine/Dynata 2022 dévoilés le 29 mars dernier. Malgré cette percée de la bière, les vins tranquilles restent plébiscités par les consommateurs. 49 % des personnes interrogées déclarent préférer en consommer, soit seulement 1 point de moins qu’en 2021. Les consommateurs sont par ailleurs de plus en plus connaisseurs. 47 % des sondés se disent amateurs éclairés quand ils étaient 35 % en 2010. La part des néophytes du vin se réduit donc, passant de 65 % en 2010 à 49 % aujourd’hui. Conséquence de cette meilleure connaissance, le budget alloué à l’achat de vin progresse. 56 % déclarent dépenser entre 11 et 20 € pour une bouteille. Ils n’étaient que 22 % en 2013. Les labels environnementaux comptent aussi dans l’acte d’achat pour plus d’un français sur deux. 53 % sont d’ailleurs prêts à payer plus cher si un vin affiche un label.
Autre marché, autres tendances. Fortement touché par la crise sanitaire et les longs mois de fermeture, les cafés-hôtels-restaurants (CHR) ont constaté une évolution des attentes des consommateurs. Selon une étude réalisée début 2022 par France Boissons, ces derniers plébiscitent de plus en plus le vin au verre. Face au développement de l’offre et à la montée en gamme des vins, ce format représente désormais 56 % des commandes de vin au restaurant. Une commande sur deux en CHR porte par ailleurs sur des vins éco-responsables et 6/10 sur des vins issus des vignobles géographiquement proches. La proximité du vignoble est désormais un critère de choix pour les restaurateurs. Le rapprochement des chefs nantais avec les vignerons de Nantes en témoigne. Depuis quelques années maintenant, et grâce à de nombreux événements tels l’é.Paulée nantaise et ceux du Voyage à Nantes, les liens n’ont jamais été aussi forts entre la restauration nantaise et son vignoble.

Selon le baromètre 2022 Sowine Dynata, l’origine géographique est le premier critère de sélection d’un vin avant son prix.

Embellie commerciale en 2021
Et les Vins de Nantes dans tout ça ? Ils progressent globalement sur l’ensemble des marchés. « 2021 a été une belle année sur le plan commercial », confirme François Lieubeau, président du Pôle communication à la Fédération des Vins de Nantes. « L’accord de libre-échange suite au Brexit en Grande-Bretagne, la suspension des Taxes Trump aux États-Unis et la réouverture des restaurants en France ont fait que les affaires sont reparties de manière très dynamique. Certains domaines ont même fait une année record. » La vente directe a notamment tiré son épingle du jeu, tout comme le marché du CHR. « Tout ce que l’on a mis en place pendant la période Covid comme le renforcement de notre présence chez les cavistes ou la vente en ligne ne s’est pas arrêté et a contribué à cette bonne dynamique », ajoute le vigneron de Château-Thébaud.
En grande distribution, il n’y a pas eu de sursaut mais plutôt un maintien des ventes sur l’année écoulée. Le Muscadet Sèvre et Maine sur lie, première référence commercialisée, affiche un léger repli d’1,7 % à 47 700 hl, mais son prix au litre progresse d’1,2 % à 5,75 € TTC entraînant une stabilité du chiffre d’affaires à 27 M€. Le Muscadet AOC est lui resté stable en volume à 42 200 hl mais a perdu un peu en valeur : – 2,3 % à 3,84 € TTC/litre pour un chiffre d’affaires de 16 M€, en baisse de 2,5 %. Le Gros Plant a en revanche perdu en volume et en valeur. 10 100 hl de l’appellation (sans mention sur lie) ont été vendus, en baisse de 5,4 %, au prix moyen de 3,53 € TTC/litre (- 1 %).
A l’export, les Vins de Nantes ont réalisé une belle année 2021. En Muscadet, les volumes ont augmenté de 10 % à 59 000 hl et les prix de 7,3 % avec un prix moyen départ cave de 2,98 € HT/col, valeur en nette progression notamment en Amérique du Nord, mais qui reste encore beaucoup trop faible spécifiquement sur le marché britannique. Vers le Royaume-Uni justement, les exportations ont progressé de 6,7 % à 20 400 hl, ainsi que vers les États-Unis. Avec la fin des taxes Trump, les transactions sont reparties à la hausse. Les volumes ont progressé de 28,3 % à 8 000 hl. Les USA partagent ainsi le podium avec la Belgique. Nos voisins ont importé 8 000 hl de Muscadet, en hausse de 13,8 %, un peu plus que le Canada et ses 7 650 hl, en augmentation là-aussi de 10,2 %. Quant au Gros Plant, il a également réalisé de bonnes performances en 2021 avec une hausse des exportations de 23 % à 1 845 hl. La Suisse est le premier importateur de l’appellation (470 hl), devant le Royaume-Uni (390 hl) et la Belgique (200 hl). Pour Pierre-Jean Sauvion, président de la commission communication d’Interloire : « Ces bons résultats sont le fruits de plusieurs facteurs. En premier lieu la qualité de nos vins qui n’a cessé de croître depuis des années. Ils sont aussi liés au travail des opérateurs, de la Fédération des Vins de Nantes et de l’interprofession pour la valorisation de nos AOP. A cela s’ajoute le côté tendance du Muscadet. C’est une réalité. La fraîcheur, l’équilibre, la « buvabilité » qui sont l’ADN de notre vignoble sont recherchés par les consommateurs. Sans oublier les locomotives tel que les crus communaux qui permettent de faire ou refaire découvrir notre belle région. » L’œnologue reste d’ailleurs confiant pour l’avenir malgré les aléas climatiques et géopolitiques. « Il n’y a pas de raisons que cela ne change. Effectivement le contexte économique et géopolitique nous laisse à penser qu’il faut être très vigilants. Il faut également mettre tout en œuvre pour être capable de gérer les volumes avec tous les outils à notre disposition pour contrer les aléas climatiques à répétitions. C’est le challenge de notre région mais je reste persuadé de l’agilité de notre beau vignoble. »

Le Muscadet s’exporte bien. Les volumes ont augmenté de 10 % en 2021. Crédit : Emeline Boileau.

2022 sur la même dynamique
La campagne en cours sera t-elle tout aussi dynamique que la précédente ? Pour l’heure, selon la dernière note de conjoncture publiée par Interloire à fin janvier, les volumes mis en marché sont en hausse de 5,3 % sur un an, comparé à janvier 2021. Depuis le début de la campagne, les mises en marchés sont supérieures aux deux précédentes campagnes à 119 314 hl (+ 5 %). Les ventes en France sont notamment en hausse (+ 5,2 %), tout comme les ventes à l’export (+ 4,4 %). Les sorties de chais ont toutefois ralenties depuis décembre. A fin janvier, 140 400 hl étaient sortis des chais contre 158 000 hl un an auparavant. « Les trois premiers mois de 2022 ont été bons commercialement et les perspectives sont bonnes », relativise François Lieubeau. « Il est vrai que le climat de ce début d’année peut paraître anxiogène : guerre à l’Est, Covid, élections, hausse des matières et de l’énergie, et surtout récurrence des incidents climatiques… Mais les Vins de Nantes ont aujourd’hui tous les arguments pour convaincre les consommateurs : des vins blancs, frais et secs, issus d’une région tendance, connus et appréciés, avec un excellent rapport qualité-prix. Dans ce contexte, la seule route pour le Muscadet est aujourd’hui la montée en gamme et la poursuite de la valorisation pour répondre aux défis de demain : transmission des exploitations, verdissement du vignoble, investissement dans la lutte anti-gel et la qualité des vins… N’ayons pas peur ! » Cette route est cependant encore longue et un travail est actuellement mené par l’ensemble des vignerons de Nantes pour donner un peu plus de souplesse au cahier des charges. « Avec les aléas climatiques à répétition et des récoltes aux volumes aléatoires, l’appellation a besoin de se libérer de certaines contraintes », précise François Lieubeau. La concertation collective se poursuit donc afin de donner, d’ici quelques mois, un nouveau cap au Muscadet.