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Le Muscadet à la table des chefs

Entre l’é.Paulée nantaise et les fêtes de fin d’année, nous vous proposons ce mois-ci un coup de projecteur sur la gastronomie nantaise et son rapport au vignoble. Trois chefs, accompagnés parfois de leurs sommelières, nous parlent de leurs relations avec les vignerons et les vins de Nantes. Ils nous livrent également leurs accords coups de cœur pour les fêtes.

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Le Manoir de la Régate à Nantes, une étoile au Guide Michelin
Mathieu Pérou, chef et Camille Chauvigné, sommelière.

C’est sur les lieux de son enfance que s’épanouit aujourd’hui Mathieu Pérou. Depuis 4 ans il dirige les fourneaux du Manoir de la Régate, sur les bords de l’Erdre à Nantes. Fondée par son père en 1995, cette maison familiale a été récompensée par une étoile au Guide Michelin en janvier dernier. La concrétisation de plusieurs années de travail pour Mathieu Pérou, 28 ans, et sa jeune équipe, qui proposent une cuisine gastronomique locale. L’ensemble des produits provient en effet de fournisseurs situés à moins de 40 kilomètres du restaurant. La carte des vins valorise elle aussi les vins de Nantes. Les Muscadets mais aussi la Folle Blanche y sont dignement représentés.

Quel est votre rapport avec le vignoble de Nantes ?
Mathieu Pérou : Il y a une correspondance entre le renouvellement de la gastronomie nantaise et celle du vignoble. Il y a depuis quelques années une nouvelle génération de cuisiniers, dont je fais partie. En parallèle, il y a eu un renouvellement du vignoble et des choses se sont mises en place comme dernièrement l’é.Paulée nantaise. Nous avons passé une super soirée avec le domaine de la Famille Lieubeau. Cela permet de mettre en avant notre joli vignoble, parfois oublié.
Camille Chauvigné : Il était normal et même important de mettre en avant les vins de notre territoire. Quand nous sommes arrivés, les vins de Nantes étaient déjà en plein essor. Avec Mathieu, nous sommes passés par la même école, Nicolas Appert, et déjà nos professeurs nous parlaient des crus communaux et des grands vins du Muscadet. Nous avons un terroir riche et il est important de comprendre que ce n’est pas juste un cépage ou une appellation.

Votre cuisine porte-elle la marque Muscadet ?
Mathieu Pérou : J’utilise beaucoup le cidre mais aussi le Muscadet. C’est même une des bases de ma cuisine. Je l’utilise en sauce mais aussi pour assaisonner un tartare par exemple. Au moment des vendanges, j’aime bien faire un clin d’œil au vignoble. Cette année, j’avais réalisé une tartelette à partir d’une réduction de Muscadet. L’année dernière c’était un grain de raisin en trompe l’œil dans lequel se trouvait une confiture au Muscadet, légèrement acidulée.

Comment travaillez-vous avec les vignerons de Nantes ?
Mathieu Pérou : Mon père travaillait déjà avec les vignerons du Muscadet. Lorsque je suis arrivé, nous avons mis en place un nouvel univers en cuisine que Camille a rapidement su comprendre. Elle a développé la cave et nous n’avons jamais eu autant de références de Muscadets à la carte. Ce sera aussi le cas dans la nouvelle brasserie que nous ouvrirons au printemps prochain quartier Champ de Mars à Nantes.
Camille Chauvigné : Nous travaillons aussi bien avec les agents qu’en direct avec les vignerons. Ils passent nous voir ou je vais les voir chez eux. C’est vrai qu’ils viennent facilement ici. Récemment, un jeune vigneron est d’ailleurs venu nous présenter ses vins. Avec certains domaines, nous travaillons aussi sur d’autres cuvées, comme des vins IGP ou des vins de France. Cela nous permet de proposer une gamme de vins locaux variée.

Quel accord proposeriez-vous pour les fêtes de fin d’année ?
Mathieu Pérou : Ce serait une tourte au chapon et à la truffe de Vendée avec une garniture au topinambour et à la truffe. Le chapon est une volaille de fête et élevée à quelques kilomètres d’ici puisque nous travaillons avec la ferme des Marais à Haute-Goulaine.
Camille Chauvigné : C’est un plat qui s’accorderait très bien avec un cru Clisson de la famille Lieubeau ou la cuvée L d’Or de Luneau Papin, issue elle aussi d’un terroir de granit. Ce sont des Muscadets qui gardent une certaine fraîcheur et qui répondent bien au topinambour. Ce sont des vins avec une belle rondeur, une gourmandise et une petite amertume qui rappelle la truffe.


Le Kilbus à Clisson
Sonia Sternicha, cheffe

Cela fait six ans que le Kilbus a ouvert ses portes à Clisson. Situé dans une petite ruelle proche des halles, ce restaurant bistronomique est la réalisation de la cheffe Sonia Sternicha et de son mari Aurélien Cayrel. Tous deux ont eu un coup de cœur pour la cité médiévale après avoir tenu deux autres établissements à Bergerac puis à Nantes. Toulousaine d’origine, Sonia Sternicha se définit comme une autodidacte. Sa cuisine est élégante, raffinée et s’accompagne des belles cuvées proposées à la carte des vins. Cette dernière compte de nombreuses références de Muscadet. Le restaurant affiche d’ailleurs le logo « I Love Muscadet », décerné par le guide des Tables de Nantes aux adresses proposant au moins cinq Muscadets à la carte.

Quel est votre rapport avec le vignoble de Nantes ?
Avant d’arriver dans le région, je ne connaissais pas grand-chose aux vins de Nantes. Il y a 15 ans, le Muscadet n’avait pas forcément une belle image. Mais j’ai eu le même effet lorsque je suis arrivée à Bergerac et j’y ai découvert des vins superbes. Le travail des vignerons du Muscadet a contribué à développer son image et permis de découvrir de très beaux vins.

Quelle est la présence du Muscadet à la carte des vins ?
C’est mon mari qui a réalisé la carte des vins. C’est un passionné et s’il pouvait, il travaillerait avec tous les vignerons ! Aujourd’hui nous avons 22 références. On marche beaucoup au feeling. On privilégie les vignerons qui travaillent proprement même s’ils ne sont pas tous en bio. Nous avons aussi quelques vins fétiches comme Grain de Raisin de chez Jo Landron ou les 2 terres du Domaine des Cognettes.

Étant situés au cœur du vignoble, vos clients sont-ils tous amateurs de Muscadet ?
Il arrive que certains disent « tout sauf du Muscadet », et là mon mari se fait plaisir ! Il leur ramène un Muscadet, qu’il leur fait déguster à l’aveugle et 9 fois sur 10 les gens adorent. Souvent, l’a-priori vient d’un manque de connaissance. Mais il est vrai que nous avons pas mal de connaisseurs et le Muscadet marche très bien au verre chez nous.

Quel accord proposeriez-vous pour les fêtes de fin d’année ?
C’est un plat que nous avons actuellement à la carte. Il s’agit de gnocchi de pommes de terre poêlées sur un velouté de champignons et copeaux de parmesan. C’est un plat qui se marie très bien avec la cuvée Les Houx de chez Jo Landron.


Castel Marie Louise à La Baule, une étoile au Guide Michelin
Jérémy Coirier, chef adjoint et Morgane Levilly, sommelière

Table emblématique de La Baule, le Castel Marie Louise a signé son retour parmi les étoilés au Guide Michelin début 2021. En cuisine, le chef Eric Mignard est secondé depuis 5 ans par Jérémy Coirier, 31 ans, et passé par de nombreuses maisons étoilées comme Anne de Bretagne à La Plaine-sur-Mer ou La Butte à Plouider dans le Finistère. Dans quelques mois, il prendra la succession d’Eric Mignard et pourra compter en salle sur Morgane Levilly. Jeune sommelière de 23 ans, cette native du Croisic a effectué sa formation au lycée Sainte-Anne à Saint-Nazaire puis au lycée hôtelier de Tain l’Hermitage. Tous deux défendent les vins de Nantes et développent leur présence à la carte du Castel Marie Louise.

Quel est votre rapport avec le vignoble de Nantes ?
Morgane Levilly : Avant d’arriver dans le monde du vin, je ne buvais pas de Muscadet. Dans ma famille on avait plus par habitude de boire du Quincy ou du Sancerre. Il y a trois ans, j’ai participé aux Olympiades des métiers et j’ai décidé de m’intéresser au Muscadet. J’ai donc rencontré Jo Landron qui m’a fait découvrir le vignoble et depuis je suis restée en lien avec différents vignerons. Le vignoble a aussi beaucoup changé, en termes de surfaces notamment. Beaucoup de jeunes vignerons ont aussi pris la suite de leurs parents. Ils ont souvent travaillé ailleurs, ont voyagé et apportent de la nouveauté. Lors de ma formation à Tain l’Hermitage, les vignerons avaient d’ailleurs connaissance de cette nouvelle vague en Muscadet.
Jérémy Coirier : Je suis un enfant du pays nantais et j’avais la vision « populaire » du Muscadet avant d’arriver dans le monde de la gastronomie. C’est vraiment en travaillant en cuisine que je me suis penché sur le Muscadet, mais aussi au contact de sommeliers avec qui j’ai découvert les domaines. J’ai aujourd’hui une approche plus approfondie du Muscadet. Le vignoble se développe aussi de plus en plus, notamment en matière de communication. Sur les réseaux sociaux ou dans la presse, on en parle de plus en plus. Aujourd’hui le Muscadet a cassé les codes du vin populaire.

Le Muscadet est-il très présent à la carte des vins ?
Morgane Levilly : Lorsque je suis arrivée en novembre dernier, nous avions 7 références. Aujourd’hui nous en comptons 10 et l’objectif est d’aller encore plus loin. J’aimerais avoir les 10 crus référencés pour expliquer aux clients la diversité du vignoble. Notre carte est réalisée avec le groupe Barrière mais nous travaillons aussi avec un caviste du Pouliguen qui nous propose une belle sélection de vins de Nantes.

Comment le Muscadet est-il perçu par vos clients ?
Morgane Levilly : Certains nous laissent carte blanche et quand ils choisissent du poisson, je leur propose toujours un Muscadet que je leur fait goûter à l’aveugle. Ils sont souvent surpris. Nous leur expliquons ensuite l’élevage sur lie, les crus communaux, etc.

Quel accord proposeriez-vous pour les fêtes de fin d’année ?
Jérémy Coirier : Je suis parti sur des ormeaux, cuisinés en deux façon. La première est un médaillon d’ormeau avec des couteaux et des algues fraîches du Croisic. L’ormeau est déglacé au Muscadet et mariné au beurre, et la sauce couvre tous les éléments de l’assiette. Le second plat est un carpaccio d’ormeaux marinés au citron caviar. Ce sont deux plats au caractère différent. L’un très iodé, l’autre sur la fraîcheur.
Morgane Levilly : Pour accompagner ces plats, j’ai choisi la cuvée le Fief du Breil 2017 de chez Jo Landron, carafée au préalable pour l’ouvrir davantage. Le côté iodé et la fraîcheur du vin se marient bien avec le plat et donnent un accord très élégant. Et c’est aussi pour moi l’occasion de faire un clin d’oeil à Jo Landron qui m’a fait redécouvrir le Muscadet. C’est de là que ma passion pour ce vin a commencé.