Concours, guides, sélections : comment s’y repérer ?
Ils remplissent les boîtes mails des domaines viticoles avec chacun leur particularité et leur cible. Ils, ce sont les appels à échantillons. Concours, sélections presse, guides, etc., les occasions de s’illustrer par des médailles et des récompenses ne manquent pas. Encore faut-il s’y repérer car le coût, la notoriété et les retombées diffèrent sur les distinctions.
« Inscrivez-vous au concours X », « Participez à la sélection du meilleur sommelier Y », « Les inscriptions pour le concours mondial Z sont ouvertes »… Tous les mois, voire toutes les semaines, ce type de message arrive dans les boites mails des exploitations viticoles. « Les appels à échantillons sont de plus en plus nombreux », confirme Claire Duchene, directrice de la communication d’Interloire. « Il n’y a pas plus de guides ou de concours mais en revanche, il y a beaucoup plus de demandes pour des articles ou des sélections dans des revues grand public. C’est aussi la rançon du succès car les vins du Val de Loire sont de plus en plus connus. »
Pourtant, si les opportunités de présenter ses vins à un jury, professionnel ou non, et de se distinguer sont plus nombreuses aujourd’hui, leur intérêt lui n’a pas changé et le choix de déposer un ou des échantillons doit avant tout reposer sur la stratégie commerciale du domaine. La participation à un guide ou l’inscription à un concours dépend en effet des débouchés commerciaux et n’auront pas la même portée que l’on soit orienté vers la vente directe, la grande distribution, le CHR ou l’export.
Les médailles, une garantie pour le consommateur
Installé sur 16 hectares à Monnières, Aurélien Janeau n’est pas tombé dans la marmite à concours depuis son plus jeune âge. « Mes parents n’étaient pas très concours. Mon père n’a présenté son premier échantillon qu’en 2010 à Paris. » Pourtant, lui a décidé de développer cette activité depuis son installation en 2016, bien qu’il ne réalise que 30 % de son chiffre d’affaires en vente directe. « Je trouvais que mes vins s’y présentaient bien. J’ai commencé à avoir des médailles et j’y ai pris goût. Ça me rassure et je vois ce qui plaît au consommateur. » Depuis, il se présente tous les ans au Concours Général Agricole et au concours des vins de Mâcon, et alterne les autres années entre les Vinalies, les Ligers et les concours locaux Pipette et Clémence. Souvent récompensé, il a même obtenu en 2020 le Prix d’excellence du Concours Général Agricole. « C’est un concours dans le concours. Il récompense les producteurs médaillés trois années de suite. » A la clé, une remise des prix organisée en janvier 2020 au Ministère de l’agriculture à Paris en présence du président de la République Emmanuel Macron, un prix supplémentaire sur lequel le jeune vigneron peut communiquer pendant 5 ans et une parution dans un guide du CGA. « Cela m’a apporté beaucoup de retombées, notamment dans la presse locale. Les clients sont venus un peu plus au domaine. Malheureusement, le Covid est arrivé et cela a un peu freiné les ventes pendant quelques mois. »
Si Aurélien Janeau avoue avoir du mal à mesurer l’impact des médailles sur ses ventes, ce n’est pas le cas de Nathalie et Jean-Paul Sauvaget, vignerons sur 6,5 hectares à Monnières. « Nous ne faisons que de la vente directe. Une médaille conforte les clients. Cela les rassure sur la qualité de ce que l’on propose et prouve notre sérieux. C’est une manière pour eux de vérifier notre travail car dire ce que l’on fait ne suffit pas forcément. » Pour autant, le domaine limite ses inscriptions au concours. « On sélectionne et on varie selon les années. On alterne entre le Concours Général Agricole et Mâcon. Nous avions aussi essayé le concours Féminalise et celui de Blaye mais les retombées étaient moins importantes. » Pour le Gaec, le coût des concours est en effet un critère à prendre en compte. Il faut compter entre 70 et 110 € TTC pour les concours nationaux ou internationaux comme le Mondial du Sauvignon, et entre 30 et 50 € pour les concours régionaux. Claire Duchene, en charge de l’organisation du concours des Vins du Val de Loire défend d’ailleurs les concours locaux à ceux de plus grande ampleur. « Un concours régional a plus de valeur car il met en concurrence beaucoup plus d’échantillons d’un même secteur. » Elle reconnaît toutefois que, tous concours confondus, un macaron sur une bouteille reste un point de repère. « En grande distribution, une médaille c’est un peu comme le conseil chez un caviste. Lors d’événement type foire aux vins, c’est une réassurance pour un acheteur car il véhicule un bon choix. »
Revues et guides spécialisés, des références pour les acheteurs pros
Les concours, Pierre-Henri Gadais a décidé de s’en passer depuis trois ans. « Je les ai fait au début mais au vu des tarifs d’inscription et du caractère aléatoire des médailles, j’ai arrêté », explique le jeune vigneron qui cultive 15 hectares à Saint-Fiacre. Orienté à 80 % à l’export et à 20 % en CHR, il privilégie les guides et revues spécialisées comme Hachette, Bettane & Desseauve, la Revue du Vin de France ou Wine Enthusiat. « Je trouve que les résultats sont plus objectifs et ça ne me coûte que 2 bouteilles par inscription. Il faut jouer le jeu. Cela amène les journalistes à venir visiter notre vignoble et cela profite à l’ensemble de l’appellation. »
Pour Claire Duchene, ces supports apportent eux aussi de la réassurance au consommateur, « mais ils touchent un public plus connaisseur, qui attache de l’importance aux avis de dégustateurs chevronnés. » Ils sont aussi un bon moyen de se faire connaître à l’international. « Certains médias comme Wine Enthusiat, Decanter ou Wine Spectator auront un très fort impact. Les concours sont eux très franco-français et assez peux connus hors de nos frontières, hormis les concours de cépages comme le Mondial du Sauvignon et du Chardonnay. Quant aux guides, Hachette est assez connu en Europe et surtout les acheteurs le consulte. » Le mode de dégustation, à l’aveugle, la qualité des dégustateurs et surtout la diffusion de ces ouvrages reste une référence pour les domaines présents sur le circuit traditionnel ou à l’export. Et même si le nombre d’exemplaires vendus ne cesse de baisser au fil des ans, les guides résistent et se réinventent, par le format, leur présentation ou leur déploiement sur internet.
Sur le plan commercial, Pierre-Henri Gadais reconnaît toutefois ne pas voir d’impact. « Au début cela a joué, moins aujourd’hui. Les retombées d’un article international sont aussi très difficiles à mesurer. Dans le dernier Bettane & Desseauve, j’ai été classé parmi les 12 génies de demain. A ce jour, personne ne m’a appelé pour me dire qu’il voulait travailler avec le génie », sourit-il, tout en ajoutant que figurer dans un guide ou une revue « conforte les clients existants ». A Monnières, Nathalie et Jean-Paul Sauvaget sont eux des fidèles du Guide Hachette qui leur a attribué une mention coup de cœur en 2021. « Cela nous a amené des clients que nous n’avions jamais eus. Malheureusement, le coup de cœur a un caractère éphémère. Les gens viennent mais ne reviennent pas. A nous de les fidéliser et sur ce point nous ne sommes pas toujours très bons », admet la vigneronne.
Médaille ou sélection, la clé, c’est la communication !
En juin dernier, 950 échantillons ont été dégustés lors du Concours des Vins du Val de Loire et 267 médailles décernées. Pourtant, « beaucoup sont médaillés et ne le revendiquent pas », regrette Claire Duchene. « Certains me disent qu’ils ne sont pas équipés pour, qu’ils ne savent pas ce qu’ils peuvent faire. La première des choses, c’est d’afficher la médaille sur la bouteille et le diplôme dans la cave. La deuxième, c’est de communiquer l’information à son réseau, sur son site web, ses réseaux sociaux. Une médaille ou une sélection, c’est un argument de vente ! ». Même celle en bronze, parfois absente sur les bouteilles, mais maintenue dans de nombreux concours pour son importance aux yeux des acheteurs.
Dans sa cave à Monnières, Aurélien Janeau affiche fièrement ses distinctions. Les diplômes sont accrochés aux murs, les trophées en bonne place, les macarons sur les bouteilles et sur le bar trône la photo de la remise du prix d’excellence avec Emmanuel Macron. Pierre-Henri Gadais a lui choisi les réseaux sociaux pour valoriser ses sélections. Sa distinction en tant que « génie de demain » par Bettane & Desseauve, il l’a récemment relayé sur les réseaux sociaux malgré ses craintes de paraître prétentieux. « J’envoie également l’information à quelques clients mais tout cela prend du temps. » Les quelques lignes le concernant dans Le Point, Winedoctor.com, ou Wine Enthusiat alimentent régulièrement son compte Instagram. Une communication qui lui est propre, de la même manière que chaque domaine choisi le support qui lui permettra de valoriser ses vins. Concours à macarons, sélections payantes comme la Tulipe Rouge ou celle d’Andreas Larsson, ou parutions et guides gratuits comme la Revue du Vin de France, le guide Hachette ou Bettane et Desseauve, à chacun de faire son choix en fonction de sa cible et de ses moyens pour l’atteindre.