Emploi : demain, qui fera le vin ?
Si l’économie et le changement climatique font partie des sujets de préoccupation majeurs de la viticulture, l’emploi est également l’une des priorités. Face aux nouvelles normes environnementales et pour répondre aux évolutions des pratiques, les besoins en main d’œuvre sont de plus en plus importants. Problème : les candidats manquent. En Loire-Atlantique, les acteurs de l’emploi se mobilisent pour trouver des solutions.
C’est l’un des plus gros employeurs de Loire-Atlantique, quasiment au même niveau que les Chantiers de Saint-Nazaire. Avec 3 526 salariés*, la viticulture nantaise est un secteur d’activité dynamique et en recherche permanente de nouveaux candidats. Pourtant, depuis quelques années, elle peine à recruter. « L’appel en main d’œuvre est plus élevé qu’avant. Les tâches de désherbage mécanique ou la culture bio demandent plus de temps et plus de personnes. Sur le marché local, l’offre est très supérieure à la demande », confirme Marc Le Jallé, chargé de mission emploi à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Dans ses tablettes, 12 entreprises viticoles ont actuellement 16 postes à pourvoir. Le groupement d’employeurs Valore, avec 80 vignerons adhérents, propose quant à lui 5 offres d’emplois dont deux sont à pourvoir depuis le mois de septembre. « Les recherches portent principalement sur le métier d’ouvrier qualifié ou hautement qualifié avec des compétences en conduite de matériel. C’est le poste qui pose le plus problème », précise Marc Le Jallé. « Si on va sur des postes au niveau du chai, de l’œnologie ou du secrétariat, on a pas trop de soucis. C’est la production de la vigne qui pose problème, et la compétence conduite de matériel encore plus que les autres. » Résultat, des exploitations peuvent rester plusieurs mois sans aucune candidature. Certaines même envisagent de réduire les surfaces pour adapter la taille du domaine aux effectifs en place.
Des freins à lever
Plusieurs raisons expliquent ces difficultés de recrutement. L’une d’elles, c’est la saisonnalité de l’emploi. Malgré un nombre conséquent de salariés, le nombre d’équivalent temps plein est de 859*. 1 344 personnes occupent un poste en CDD longue durée, principalement pour la taille, et seulement 609 sont salariés permanents. Tous ne sont d’ailleurs pas à temps plein, la viticulture ne compte que 488 permanents à temps plein. Les salaires sont également peu attractifs, autour du SMIC ou supérieurs de 20 % au SMIC, pour une activité « contrastée » estime le conseiller emploi. « Il y a une grosse saison de travaux manuels l’hiver et une grosse saison de travail sur les machines agricoles au printemps et à l’été. On passe d’un travail monotâche dehors en plein hiver à une activité intense où il faut être réactif parce que ça pousse à une vitesse folle. C’est une des complexités pour recruter. » En viticulture, et particulièrement dans notre vignoble, les salariés doivent par ailleurs être très polyvalents, être à la fois à la vigne et au chai, à l’accueil au caveau et à l’oenotourisme. « On est sur des postes mixtes. Même si on a une activité de cave il faut quand même mettre les pieds dans les vignes ou au commerce. Il faut de la polyvalence et les candidatures ne correspondent pas toujours aux besoins. Pour l’oenotourisme par exemple, on ne reçoit pas d’offres, les viticulteurs sont directement contactés par les candidats et sont sûrs de trouver. Ça fait rêver les candidats mais ici il n’y a pas forcément de réalité d’emploi derrière et ce sont souvent des postes à temps partiels. »
D’autres facteurs, plus matériels ou logistiques, freinent également les candidatures en viticulture : la concurrence avec d’autres productions agricoles, l’accessibilité des domaines peu desservis par les transports en commun, ou encore le logement. Le prix des loyers est élevé dans des communes comme Clisson, Vallet ou encore Vertou, ou les logements pas ou peu disponibles pour de courtes durées. Sur ce point, Valore travaille avec les collectivités locales pour proposer une alternative aux salariés d’origine roumaine, très présents dans les vignes à la taille ou aux vendanges. « Nous avons le projet de créer, d’ici le printemps, une aire d’accueil dans le vignoble, afin qu’ils puissent installer leurs caravanes ou des mobil-homes. Cette aire appartiendrait au groupement d’employeurs », détaille Carine Sartori, directrice de Valore.
Pour Marc Le Jallé, la viticulture souffre aussi d’une « mauvaise image liée aux produits de traitements. Elle est en décalage avec la réalité du métier. C’est peut-être aussi l’image même du vin qui n’est pas un produit qui attire les jeunes, à l’exception des vignobles reconnus. Le Muscadet n’attire pas des vocations hors de notre région. »
« La viticulture a des atouts à faire valoir »
Pour développer l’attractivité de la viticulture nantaise, la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique a décidé de remonter à la source, c’est-à-dire aux entreprises. Elle vient de démarrer, en partenariat avec la MSA, une étude sur la qualité de vie au travail et l’attractivité des métiers en viticulture, polyculture et élevage. « L’idée est d’aller dans les entreprises, comprendre où on en est réellement de la qualité de vie au travail et ce qui fait que ça fonctionne ou non. Que fait-on en matière d’intégration des personnes, de pénibilité, etc. ? En balayant l’ensemble de ce qu’est la qualité de vie au travail nous aurons un diagnostic local. Cela nous donnera des outils pour dire aux entreprises voilà ce qu’il faut mettre en œuvre pour être attractif. » Une autre étude, prospective cette fois, est également actuellement menée par l’antenne régionale de l’ANEFA, l’agence nationale pour l’emploi et la formation en agriculture, afin de connaître les besoins en emplois et en compétences des salariés. Elle y associe le Syndicat des Vignerons Indépendants Nantais qui enquête par ailleurs régulièrement sur les besoins en main d’œuvre et les difficultés de recrutement de ses adhérents.
En parallèle, des dispositifs concrets pour trouver des candidats sont en place, souvent en lien avec Pole Emploi. Les voyages en agriculture organisés par la Chambre d’agriculture en font partie. Ils permettent à des demandeurs d’emploi de découvrir une ou deux productions agricoles le temps d’une journée. Entre 15 et 20 voyages sont organisés chaque année en Loire-Atlantique dont un ou deux en viticulture. En 2019, sur l’ensemble des dates et toutes productions confondues, 230 personnes y ont participé. « La méthode de recrutement par simulation (MRS) permet aussi d’évaluer les compétences des candidats et leur capacité d’adaptation. Ce n’est pas simple de savoir si on est capable de s’adapter à un métier comme la viticulture », ajoute Marc Le Jallé. « On travaille beaucoup pour trouver des candidats. On ne vas pas chercher des gens qui vont venir naturellement vers l’agriculture mais des gens qui ont un projet d’emploi. » Le chargé de mission emploi en est d’ailleurs persuadé : « La viticulture a des atouts à faire valoir, notamment la proximité pour ceux qui habitent dans le vignoble, la variété des tâches, l’autonomie et le travail en plein air. » Aux acteurs de la filière d’en faire la promotion. C’est ce qu’à fait la Fédération viticole de l’Anjou Saumur en réalisant un spot publicitaire diffusé dans les cinémas du Maine-et-Loire. Peut-être un exemple à suivre. En attendant nous vous proposerons le mois prochain d’aller à la rencontre de celles et ceux qui ont trouvé leur voie et leur place dans les vignes du Muscadet.
* données 2018.