L’économie des Vins de Nantes à la loupe
En ce début de nouvelle année nous vous proposons de faire le point sur la situation économique des vins de Nantes. Sorties de chais, ventes en grande distribution, exportations, tour d’horizon des différents marchés.
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Ni dans les vignes, ni sur les marchés. Malgré la bonne récolte 2018 de 424 000 hectolitres, les sorties de chais en Muscadet (toutes AOC confondues) sont en baisse sur la campagne 2018-2019 : – 5,2 % par rapport à la campagne précédente, passant de 306 364 à 290 393 hectolitres.
Si les sorties négoce restent plus importantes, leur part tend toutefois à légèrement diminuer au profit de la vente directe. Celle-ci est passée de 44 à 47 % entre les deux dernières campagnes pour l’ensemble des AOC Muscadet. « Il est difficile d’analyser avec certitude la diminution des ventes entre absence de disponibilités, faiblesse de force commerciale, perte de marchés sur les premiers prix ou tensions à l’export avec des facteurs exogènes », a commenté Joël Forgeau, président de l’ODG lors de la dernière assemblée générale des Vins de Nantes en novembre dernier. « Ce qu’il faut retenir c’est le changement de logiciel : apprendre à alimenter le marché en gagnant de la valeur à 300 000 hl est plus stimulant que de vouloir regagner du volume à tout prix. La clé réside aussi dans la régulation de l’approvisionnement pour éviter les yoyos. La réserve interprofessionnelle peut être un outil à son service. »
En Sèvre et Maine (avec et sans mention sur lie + crus Gorges, Clisson et Le Pallet), 199 057 hectolitres sont sortis des chais en 2018-2019, en recul de 5 % par rapport à la précédente campagne. Une baisse principalement liée à celle du Sèvre et Maine sans mention sur lie (- 43 %), le Sèvre et Maine avec mention sur lie affichant + 3,6 % (176 300 hl) par rapport à 2017-2018. Quant aux crus, le décalage dans les millésimes explique également la diminution des sorties.
Le Muscadet AOC aussi est resté relativement stable entre les deux campagnes. Les sorties affichent une baisse de 2,5 % à 83 300 hectolitres. A noter que la vente directe a légèrement progressé (+ 4 %) avec 35 574 hectolitres commercialisés par les vignerons.
En Gros Plant, les sorties sont en repli : – 10,5 % entre les deux campagnes. 22 450 hectolitres ont été vendus sur la période 2018-2019 dont 12 500 hl de sur lie. Pour cette appellation, la répartition négoce (75 %) / vente directe (25 %) est stable.
En Coteaux d’Ancenis, la tendance est la même : 6 155 hectolitres sont sortis des chais en 2018-2019, en baisse de 7,21 % par rapport à 2017-2018. Seul le Coteaux d’Ancenis blanc est stable avec 2 905 hectolitres vendus, le Malvoisie pesant actuellement pour toute l’AOC près de 50 % des ventes.
Les cours du vrac en baisse
L’ensemble des appellations de Nantes a connu une baisse des cours du vrac sur la campagne 2018-2019 par rapport à la précédente. Elle s’élève à 35 % en Muscadet AOC avec un cours moyen à 109 €/hl alors que les volumes sont en hausse de 10 % à 55 700 hl. En Sèvre Maine sans mention sur lie, le prix moyen est de 131 €/hl en vrac (- 25 %). Il est de 170 €/hl en Sèvre et Maine sur lie, en baisse de 7 %. Pour le Gros Plant, le cours moyen du vrac est de 88 €/hl (- 19 %). Il s’élève à 122 €/hl pour le Gros Plant sur lie (- 4 %).
Une meilleure valorisation en grande distribution
Si le Muscadet Sèvre et Maine sur lie reste la première appellation française de vin blanc la plus vendue en grande distribution, elle continue de perdre des volumes au fil des mois. Selon les statistiques fournies par Interloire (source IRI France) au 13 octobre 2019, près de 52 000 hl ont été vendus sur un an, en baisse de 3,8 %. Selon l’interprofession, ce sont surtout les bouteilles 75 cl sous Marque de Distributeur qui pénalisent l’appellation tandis que celles sous marques propres sont stables. Les prix progressent par ailleurs : + 2,74 % sur un an à 4,20 € la bouteille.
Pour les autres appellations du Muscadet, le constat est le même. 39 700 hectolitres de Muscadet AOC ont été vendus sur un an, en baisse de 6 % mais le prix augmente de près de 2 % à 3,15 €/col. Les volumes de Sèvre et Maine s’établissent quant à eux à 11 300 hl (- 11,6 %), mais les prix augmentent de 2 % à 3,97 €/col.
Dans ce contexte, seuls les Muscadets Coteaux de la Loire et Cotes de Grandlieu voient leurs ventes progresser en grande distribution. 1 670 hectolitres de Muscadet Cotes de Grandlieu ont été vendus sur un an au 13 octobre 2019, en hausse de 18 %, à un prix moyen de 4,40 €/col (+ 2,10 %). Pour le Muscadet Coteaux de la Loire avec et sans mention sur lie, les ventes enregistrent une augmentation moyenne de 30 % à 812 hectolitres. Sur un an, le prix du sur lie s’établit à 4,65 €/col en hausse de 10,7 %.
Le Gros Plant sans mention sur lie est la 3e référence des Vins de Nantes la plus vendue en grandes surfaces avec 11 700 hectolitres sur un an, en baisse là aussi de 11,6 %. 5 260 hectolitres de Gros Plant sur lie ont également été vendus (- 6,3 %) à un prix moyen de 3,48 €/col (+ 3,3 %).
Pour les appellations des Coteaux d’Ancenis, les volumes vendus en grande distribution sont modestes mais progressent : + 1,8 % en rouge à 764 hl et + 9,4 % en blanc à 685 hl. Le Coteaux d’Ancenis rosé est cependant en recul de 14,6 % à 202 hl.
A l’export, volumes et prix progressent
+ 6,5 %, c’est l’évolution des volumes de Muscadet exportés sur un an, à fin octobre 2019*. 47 500 hectolitres ont été exportés dans le monde entier, soit 3 000 hectolitres de plus qu’un an auparavant. Une croissance due notamment au marché américain. Les volumes exportés sont en hausse de 37 % à 10 100 hectolitres, faisant des États-Unis le 2e pays importateur de Muscadet derrière le Royaume-Uni. « Nous avons tout pour nous. La qualité est là et nous devrions être en mesure de satisfaire la demande. Mais nos deux principaux marchés sont aussi les plus incertains. Le contexte géopolitique, et notamment les relations entre les États-Unis et l’Iran, ne nous permettent pas d’être sereins quant au marché américain. Nous ne savons pas non plus quel sera l’impact des taxes Trump (Airbus, Gafa). Pour cela, il faudra attendre avril pour connaître les chiffres des exportations de la fin d’année 2019 et de début 2020 », explique Pierre-Jean Sauvion, président de la commission communication d’Interloire. Les perspectives sont en revanche plus « optimistes » pour le Royaume-Uni. Si les volumes exportés enregistrent une baisse de 10 % sur un an à 13 200 hectolitres, « la tendance peut s’inverser. Le Royaume-Uni a subi des a-coups en termes de sourcing et s’est tourné vers d’autres références. Aujourd’hui nous devrions être en posture de regagner des marchés. Dans ces circonstances, il est important de continuer les efforts de communication de la part d’Interloire sur ces deux marchés prioritaires. »
Performant en volume, le Muscadet l’est aussi en valeur. Sur un an, le prix moyen départ cave est en hausse de 2,6 % à 3,02 €/col. Il augmente notamment au Royaume-Uni (+ 1 % à 2,26 €/col), au Canada (+ 1,6 % à 3,81 €/col), en Belgique (+ 5,4 % à 2,45 €/col) et en Allemagne (+ 4,6 % à 2,94 €/col). Aux États-Unis, le prix reste stable à 3,79 €/col.
Plus modeste en volume, le Gros Plant est lui aussi en croissance : + 24,3 % sur un an. 1615 hectolitres ont été exportés entre novembre 2018 et octobre 2019. A la différence de son grand frère Muscadet, le Gros Plant se porte bien au Royaume-Uni, premier pays importateur. Les volumes sont en hausse de 22 % à 490 hectolitres et le prix moyen départ cave affiche + 27,8 % à 5,48 €/col. En Suisse aussi les volumes progressent, ils ont même été multiplié par 3,5 en un an. 253 hectolitres ont été exportés à un prix moyen de 7,59 €/col, en baisse de 9,2 %.
« Aujourd’hui la qualité des vins de Nantes est connue et reconnue. Notre souci, c’est la régularité dans les récoltes », souligne Pierre-Jean Sauvion. « Les aléas climatiques sont malheureusement impossibles à prévoir mais notre challenge pour les années à venir portera sur la régularité de l’approvisionnement. J’espère que 2020 sera l’année d’une superbe récolte. » Un vœu partagé par Christian Gauthier, président de la Fédération des Vins de Nantes : «Nous ne maîtrisons malheureusement pas l’environnement incertain du commerce mondial des vins, mais si nous parvenons à réguler l’offre, avec la qualité des vins et le style dans l’air du temps et aussi les efforts de développement à l’international par nos domaines viticoles, il n’y a pas de raison que la croissance ne se maintienne pas en volume et en valeur. »
* Source Interloire à partir des données Douanes.