AOP, IGP, Vins de France, les Vins de Nantes se conjuguent au pluriel – Focus 2
Deuxième volet de notre dossier sur la diversification dans le vignoble de Nantes. Après s’être intéressés aux autres AOC de Loire-Atlantique, focus ce mois-ci sur les vins IGP. Des vins de cépages, considérés par certains vignerons comme l’entrée de leur gamme, pour d’autres comme une offre complémentaire aux appellations. Ils représentent en tout cas une part importante de la production de vins dans notre vignoble, la Loire-Atlantique étant le premier département producteur d’IGP du Val de Loire.
Ils couvrent 4 300 hectares de vignes en Val de Loire pour une production annuelle d’un peu plus de 300 000 hectolitres. Ils, ce sont les vins IGP, les vins d’Indication Géographique Protégée. Un signe officiel de qualité qui garantit le respect d’un cahier des charges de la part des producteurs mais surtout l’origine du produit pour le consommateur. Un vin sous IGP provient exclusivement de la zone de production dont il porte le nom. En Val de Loire, cette zone couvre 14 départements, de la Loire-Atlantique au Puy-de-Dôme en passant par le Maine-et-Loire, l’Indre-et-Loire ou le Loir-et-Cher. Ils sont au total plus d’un millier d’opérateurs dont 250 rien qu’en Loire-Atlantique, premier département producteur d’IGP du Val de Loire. 1 500 hectares de vignes y produisent en moyenne 120 000 hectolitres par an, principalement des vins blancs (62 %) mais aussi des rosés (22 %) et des rouges (16 %). Chardonnay, Sauvignon, Cabernet franc, Gamay ou encore Merlot figurent parmi les cépages les plus cultivés, le Chardonnay étant largement en tête du classement avec 480 hectares en production. 70 % de ces vins sont vendus en vente directe, le négoce ne commercialisant que 30 % des volumes, contre 40 % au niveau du Val de Loire.
Accroissement de surfaces
A La Regrippière, Les Frères Couillaud font partie des grands producteurs d’IGP. Ici, ces vins représentent 60 % de l’encépagement contre 40 % pour les AOC. « Le Chardonnay est présent sur une quarantaine d’hectares, le Sauvignon sur une dizaine d’hectares et nous avons aussi un peu de Pinot gris et de Sauvignon gris » indique Vincent Dugué. « Le Chardonnay a été planté en 1987. A l’époque ce n’était pas très bien vu mais il s’avère que c’était une très belle parcelle, non classée en appellation Muscadet. Le Domaine cherchait à se diversifier et était déjà présent à l’export. Ça a plutôt bien marché et les surfaces ont augmenté assez rapidement. Quand nous sommes arrivés au Domaine en 2006 avec Amélie, nous avons cherché à développer davantage l’export. Nous avons multiplié les rencontres avec les acheteurs, organisé des dégustations. Ça a été un travail de longue haleine mais qui a porté ses fruits, le Chardonnay et le Val de Loire se vendant assez bien. » Pour Vincent Dugué, « il existe un créneau porteur pour le Chardonnay du Val de Loire, plus léger qu’un Chardonnay du sud et moins cher qu’un Chardonnay de Bourgogne. En 2011, on s’est intéressé à un autre cépage emblématique de la Loire, le Sauvignon. On avait déjà du gris mais pas du blanc. Les importateurs ont trouvé ça cohérent en termes de développement de gamme et cela nous a aussi permis de vendre du Muscadet. »
1 bouteille sur 5 vendue à l’export
Si les vins IGP sont majoritairement vendus sur le marché français, l’export représente une part non négligeable. Une bouteille d’IGP Val de Loire sur 5 est aujourd’hui vendue à l’export, soit 48 000 hectolitres en 2018, en hausse de 6 % sur un an (à fin décembre 2018). Le Royaume-Uni reste le premier pays importateur mais la demande ne cesse de croître sur le marché Nord-américain. Présent aux États-Unis, en Belgique et au Japon, le Vignoble Malidain à La Limouzinière a développé ses surfaces revendiquées en IGP au fil des demandes à l’export. « La moitié des vignes du domaine sont en IGP, soit 21 hectares » précise Romain Malidain. « Nous produisons du Grolleau, Grolleau gris, Chardonnay, Sauvignon, Cabernet franc, Merlot et Pinot noir. Le Chardonnay a été l’un des premiers cépages et correspondait à une demande sur l’export. C’est ce qui nous a permis de nous développer sur ce marché, le Pinot noir aussi. Le reste est positionné en complément de gamme sur le marché français. »
AOC ou IGP, l’itinéraire technique reste le même
Sur le marché français, les ventes en grande distribution ne constituent pas le premier débouché. 23 % des volumes d’IGP Val de Loire sont commercialisés dans les supermarchés français, contre 21 % à l’export. Les 56 % restant étant vendus sur d’autres circuits, cavistes, restauration mais aussi et surtout en vente directe. Au Domaine Malidain, les vins sont vendus entre 4,30 € et 6,90 € (prix particulier). Pour Romain Malidain, « ces vins constituent l’entrée de gamme en termes de prix, mais en termes de travail d’approche je le vois plus comme un complément de gamme. Si on prend des cépages comme le Chardonnay et le Pinot noir, ils sont très qualitatifs mais très compliqués à récolter car sensibles aux maladies, mildiou et oïdium. Le Pinot noir par exemple est sensible à ce que l’on appelle la piqûre acétique. C’est un vin très fragile avec des raisins à la peau très fine. Cela fait de très bons produits mais il faut bien les maîtriser. Ils demandent donc plus d’attention. »
A La Regrippière, les Frères Couillaud ne positionnent pas non plus les vins IGP en entrée de gamme, « y compris dans la manière de les produire » précise Vincent Dugué. « On a fait le choix de rester en vignes étroites, sur des rendements qui ne sont pas les rendements maximum autorisés. On est plus sur 70/75 hl/ha que 90 hl/ha. Une bonne partie des parcelles sont désherbées mécaniquement, etc. Dans notre conduite de vignoble on ne fait pas de différence entre AOC et IGP. » Ici les vins sont vendus entre 5 et 10 €, « avec parfois des mini-cuvées sur lesquelles les prix sont un peu supérieurs. »
Sur le marché du vrac, les cours pratiqués par le négoce ont « connu une légère augmentation ces dernières années, liée aux faibles récoltes », indique Lucie Chassevent, directrice du Syndicat des IGP Val de Loire. « Les prix se situent aux alentours de 110 €/hl en Chardonnay et 140 €/hl en Sauvignon. L’objectif étant de maintenir ces niveaux de prix pour les blancs, le principal marché pour les IGP Val de Loire. »
Des vins encore peu connus des consommateurs
Cinquième région productrice d’IGP, le Val de Loire, a aussi pour ambition de gagner en notoriété auprès des consommateurs. Moins connue que le Languedoc et le Sud (Est et Ouest), la région souhaite mettre l’accent sur la communication. « L’IGP Val de Loire n’a pas la reconnaissance qu’il mérite » regrette Catherine Motheron, viticultrice à Martigné-Briand (49) et présidente du syndicat. « Les volumes retrouvés à la dernière récolte vont nous permettre de faire les bouger les choses et de communiquer sur le fait que nous sommes une grande région d’IGP. » Membre de l’interprofession des vins du Val de Loire depuis août 2017, le syndicat compte aussi sur Interloire pour développer son image, notamment à l’export, même si elle y est davantage valorisée qu’au niveau national. « Nos acheteurs adhérent aussi bien au cépage qu’à sa localisation » confirme Vincent Dugué. « Ils cherchent du Chardonnay et du Val de Loire. On souhaite vraiment qu’ils fassent le distinguo entre Chardonnay du sud et Chardonnay de Loire. Leur acte d’achat doit être militant car derrière c’est une vrai différenciation avec des profils de vins très différents. »
Au niveau national en revanche, le travail s’annonce plus compliqué. « Des études consommateurs ont été menées et il en ressort que le terme d’IGP n’est pas bien connu » reconnaît Lucie Chassevent. « Quand on montre le logo ou que l’on réalise des questionnaires plus dirigés, les consommateurs comprennent le fonctionnement et reconnaissent le label. Mais il n’y a jamais vraiment eu de communication sur l’IGP vin. »
Un autre élément peut d’ailleurs être source de confusion pour les consommateurs : celui des unités géographiques complémentaires. En Loire-Atlantique, les producteurs peuvent ajouter « Marches de Bretagne », « Pays de Retz » ou « Loire-Atlantique » sur l’étiquette, en plus de la mention IGP Val de Loire. « Il y a un historique » justifie Lucie Chassevent. « Pays de Retz et Marches de Bretagne ont été des vins de pays à part entière par le passé. Ils ont été intégrés en tant qu’unités géographiques plus petites au Val de Loire. Certains opérateurs veulent conserver une identification plus locale que le Val de Loire. La mention Pays de Retz notamment est assez reprise, cela représente environ 5 000 hectolitres. Ce sont des mentions utilisées en GD ou en vente directe, souvent avec une cible touristique. » Ces unités géographiques resteront donc inscrites au Cahier des Charges. Un cahier des charges qui va toutefois évoluer dans les prochains mois. Le syndicat des IGP Val de Loire souhaiterait y ajouter les cépages résistants. De quoi offrir de nouvelles perspectives aux producteurs du vignoble de Nantes, certains ayant déjà prévu de planter de nouvelles variétés dès cette année.