Tourisme : quel impact pour le(s) vignoble(s) ?
L’été, des milliers de touristes débarquent sur les plages. Mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à découvrir les vignobles français. Dans le Val de Loire, l’oenotourisme représente 1,2 millions de visiteurs et 53 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le Muscadet et ses vignerons profitent aussi de cet engouement touristique. Dans quelles mesures et par quels moyens ? C’est l’objet de notre dossier du mois et de celui de juillet.
Septième destination touristique en France en nombre de nuitéesi, la Loire-Atlantique a la particularité de proposer une offre touristique variée. Le littoral attire bien sûr des milliers d’estivants mais Nantes, la Loire et le vignoble sont des destinations tout aussi prisées. Dans le vignoble notamment, les sept principaux sites de visitesii ont accueilli 87 500 visiteurs d’avril à octobre 2017, en hausse de 15 % . L’Office de tourisme a lui aussi connu une augmentation de sa fréquentation de 2,5 % avec 31 600 personnes accueillies l’an passé. Le nouveau bureau d’accueil de Vallet a notamment drainé de nombreux visiteurs et presque doublé sa fréquentation avec 7 800 personnes reçues. A Vallet toujours, la Maison du Muscadet est elle aussi un lieu très apprécié des touristes. Ils sont 3 000 en moyenne à y passer tous les ans. « Des Bretons, des gens du sud de la France, des étrangers aussi. Nous accueillons des Belges, des Anglais, un peu d’Allemands, des Canadiens » indique Rachel Martin, salariée de cette vitrine des vins du canton de Vallet. « Ils ont découvert la Maison par le biais de notre site Internet, par notre page Facebook, par les guides de voyages comme le Routard ou le Petit Futé mais aussi par l’Office de tourisme. »
Créé en 2012, l’Office du tourisme du Vignoble de Nantes est en effet l’un des vecteurs de promotion de l’oenotourisme. « Chaque année nous organisons par exemple les Caves EtonNantes. Avec les vignerons, nous proposons plusieurs rendez-vous thématiques, de juin à octobre, et la fréquentation progresse. L’an passé, nous avons enregistré 413 visiteurs, en hausse de 24 % par rapport à la précédente édition » précise Caroline Blanloeil, directrice adjointe de la structure. « Nous éditons également un guide des partenaires, gratuit, dans lequel figurent les Domaines labellisés Caves touristiques. » Pour ces exploitations la prestation est payante, de 86 à 106 €, mais s’accompagne de différents services allant de la photographie au prêt de stand mobile en passant par des formations sur le numérique.
Des visiteurs plus jeunes et locaux
A Monnières, le Domaine Ménard Gaborit fait justement partie des partenaires de l’Office de tourisme du vignoble. Le développement de l’oenotourisme y est pourtant récent, tout juste cinq ans. « Nous ne faisons pas de salons grand public mais nous aimons bien accueillir chez nous. Comme nous commencions à avoir un peu de demandes, nous nous sommes lancés » explique Pascale Ménard. Depuis, elle a pu constater une vraie saisonnalité. « L’hiver est assez calme tandis que les visites sont nombreuses l’été. Nous avons beaucoup de 35-45 ans qui ne connaissent pas grand chose au vin. Nous accueillons de plus en plus de Nantais mais aussi des étrangers, des Belges, des Espagnols, etc. qui viennent par le biais de l’Office de tourisme. » Même constat pour Aurore Günther-Chéreau du Château du Coing à Saint-Fiacre. « C’est une population de plus en plus jeune et locale. Ce sont des gens qui veulent découvrir le patrimoine, le vin et sa production. La saison est vraiment marquée, surtout cette année. Nous constatons une augmentation des visites de groupes mais aussi des visites spontanées. »
Ouvert 7 jours sur 7, d’avril à octobre, le Château du Coing propose trois départs de visites par jour à 11h, 14h et 16h. « En dehors de ces créneaux, si les visiteurs veulent une prestation particulière comme une visite en anglais ou un accord vins/fromages, c’est sur réservation. Nous proposons également des forfaits activités avec des partenaires. Cela va de la location de vélo à la balade en bateau ou en canoë. L’été, les mardis et jeudis, nous proposons aussi une restauration sur place. » Cette activité dense, Aurore Günther-Chéreau ne pouvait plus l’assumer seule. « Depuis janvier, nous avons recruté Delphine. Elle est en charge de la partie touristique mais aussi de la location de salles puisque depuis un an nous organisons des réceptions dans l’Orangerie. ». Deux personnes viennent également en renfort pendant la saison estivale. « Cela ne s’est pas fait d’un claquement de doigts. J’ai commencé par une porte ouverte, puis ajouté un repas en juin. Petit à petit cela s’est développé. J’ai aussi saisi une opportunité car nous sommes sur un site où les gens venaient beaucoup se promener. Il fallait les canaliser. J’ai pris le parti de me professionnaliser et de transformer ces visites en chiffre d’affaires. »
Quel retour sur investissement ?
Au Château du Coing comme au Domaine Ménard Gaborit, les visites ne sont pas gratuites. 8 € pour le premier, 10 € pour le second pour la découverte des vignes, de la cave et une dégustation de trois vins. « Notre temps, nos vins ne valent pas rien » justifie Pascale Ménard. « Nous avions commencé par des visites gratuites et cela marchait moins bien. Nos clients n’ont en tout cas aucun problème avait le fait de payer pour visiter. » Ouvert du lundi au samedi midi, le Domaine organise en parallèle de ces visites, de nombreux événements. « Nous essayons de varier le programme. Début juin, c’était une soirée découverte du millésime 2017 avec une verticale de 2017 à 2011. Le 16 juin ce sera une matinée grandeur nature avec un guide professionnel qui expliquera l’écosystème du vignoble. En juillet nous organiserons un dîner dans le cadre des Caves ÉtonNantes. » Pour communiquer, Pascale Ménard multiplie les canaux : site internet du Domaine, page Facebook ou encore via le site monbeauterroir.com. « Nous étions également présents dans des Box mais nous allons arrêter car les visites étaient trop épisodiques. Elles apportent du monde mais cela demande du temps. »
Ce temps passé à recevoir les clients, à leur faire découvrir le métier de vigneron se traduit-il forcément par de la vente de vins ? « Ce sont souvent des petits paniers, de 4 à 12 bouteilles » note Pascale Ménard. A la Maison du Muscadet à Vallet, même si le concept est différent de celui proposé par les Domaines, « 12 à 13 000 bouteilles sont vendues tous les ans. Les crus notamment sont très demandés. Ils donnent une belle image du vignoble » dévoile Rachel Martin. Ces retombées sont importantes pour les 25 vignerons de l’association. Ils se relayent en effet chaque week-ends et pendant les vacances pour tenir la boutique. Au Château du Coing, « toutes les visites se transforment en achat de vin, sauf peut-être pour la clientèle étrangère » constate Aurore Günther-Chéreau. « Il y a deux tendances. Les étrangers repartent souvent avec un coffret allant de 30 à 100 € tandis que les clients particuliers commandent plus volontiers trois cartons. » Mais pour la jeune viticultrice, l’oenotourisme ne représente pas seulement du chiffre d’affaires. « C’est aussi un outil de promotion des Muscadets et de notre terroir. L’oenotourisme nous permet également de développer notre réseau. A la fin de l’été, on se rend compte que des professionnels, des vignerons sont venus nous voir, parfois en voisin. C’est sympa et cela démontre que l’on est pas dans la concurrence. Au contraire, cela nous nous soude. C’est valorisant. »
i 23 millions en 2017.